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Appel dans le cadre du réseau thématique L’Amérique sensible. Émotions et interactions sociales dans l’espace américain (XIX-XXIᵉ siècles) du pôle Ouest de l'IdA. 

À partir d’une définition large et intégrative du concept d’émotions, qui, comme préconisé par Alain Corbin, couvrirait largement le continent des affects, des sentiments mais aussi des cultures sensibles (Corbin, 2017 :7), le colloque international « Émotions et dynamiques sociales Europe / Amériques : regards croisés » vise à rassembler, dans une perspective pluridisciplinaire, des communications portant sur la dimension
affective à l’œuvre dans les sociétés européennes et américaines. Les interventions retenues permettront ainsi de réfléchir à la façon dont les émotions s’expriment à l’écrit comme à l’oral, s’utilisent comme mécanisme d’action et d’interaction sociale et, finalement, sont représentées dans les médias, sur les réseaux sociaux et les sphères culturelles des deux côtés de l’Atlantique.
 

Cette réflexion croisée a pour point d’ancrage la dimension collective des émotions (Bernabéu et Langue, 2011). Nous partons de l’idée que les émotions ne sont pas uniquement des phénomènes psychologiques liés à une démarche introspective. Elles sont aussi « sociales » dans le sens où elles infusent nos comportements et constituent également un élément clé dans la socialisation, ceci dans la mesure où elles jouent un rôle déterminant dans des rapports sociaux tels que la cohésion, la solidarité, l’amitié, mais aussi l’exclusion, la hiérarchie ou l’antagonisme (Deluermoz et alii, 2013 : 11). Autrement dit, les sentiments seraient autant des phénomènes psychologiques que des réalités sociales et culturelles (Illouz, 2006 : 15 ; Kaumnann et Queré, 2020). 

En faisant dialoguer deux aires géographiques ainsi que des disciplines aussi diversifiées que l’histoire, la littérature, les sciences politiques, les études culturelles, les études de genre, les études littéraires et les arts, la sociologie, l’anthropologie, la linguistique, le droit ou la philosophie, ce colloque propose donc un regard croisé centré sur le rôle des émotions dans les dynamiques sociales et les actions collectives des deux côtés de l’Atlantique, dans l’espoir que ce regard pluridisciplinaire et comparé permette de mieux comprendre la place des émotions dans les sociétés contemporaines.

 

Le colloque propose d’ordonner les interventions autour de trois thématiques principales :

1. Le rôle des émotions dans les relations humaines

Tout d’abord, le rôle des émotions dans les relations humaines. Il s’agira ici d’interroger, d’une part, le rôle des affects dans la configuration d’espaces de socialisation sur les continents européen et américain. Quels sont les affects qui sont associés à une aire culturelle, et par qui ? Comment contribuent-ils à construire des représentations et stéréotypes qui peuvent ensuite devenir opérants dans les relations entre différents groupes, sociétés et même nations ? Comment certains affects ont-ils pu circuler et circulent-ils encore de part et d’autre de l’Atlantique ? Comment ces mêmes émotions sont-elles diffusées dans la sphère publique (qu’elle soit politique, médiatique ou artistique) et comment circulent-elles dans chacune des deux aires géographiques ? Nous pourrons par exemple questionner le rôle des États dans les processus de construction des identités en abordant leur implication dans les phénomènes de construction des identités dérivées des processus migratoires (« transnational affects ») (Dufoix, 2006) mais aussi la façon dont le discours populiste, en tant qu’expression d’une colère et d’un ressentiment, peut contribuer à l’exclusion sociale de certains groupes sociaux et nuire ainsi au bon fonctionnement des systèmes démocratiques. Il sera également intéressant d’approfondir la question de l’attachement des collectifs à des espaces et des unités géographiques et territoriales de toutes sortes (Appadurai, 2005) et le rôle de cet attachement dans les dynamiques sociales destinées à défendre ou revendiquer certains espaces naturels. Il sera pertinent par exemple de comprendre comment les affects ont contribué et contribuent à définir et à construire ces liens affectifs. À partir d’une notion telle que la solastalgie, considérée comme cette « douleur ou (...) détresse causée par une absence continue de consolation et par le sentiment de désolation provoqué par l’état actuel de son environnement proche et de son territoire » (Albrecht, 2020), cette perspective pourrait également s’orienter vers la question du rôle des rapports affectifs instaurés avec l’environnement dans les processus de transition écologique.
 

2. Le rôle des émotions dans les représentations collectives des deux côtés de l’Atlantique

La deuxième thématique proposée est liée au rôle des émotions dans les représentations collectives des deux côtés de l’Atlantique. Cet axe pourrait être abordé depuis trois perspectives différentes. D’une part, du point de vue du rôle des émotions dans les constructions identitaires propres aux territoires de ces deux aires géographiques, qu’elles soient nationales, infranationales ou supranationales, de nature ethnique, religieuse, de genre ou autre. En tenant compte des rapports très étroits que les émotions entretiennent avec les processus identitaires et avec les phénomènes d’inclusion et d’exclusion qui en découlent, il s’agira de comprendre comment les émotions contribuent à construire des identités collectives, mais aussi à stigmatiser et exclure certaines catégories et groupes sociaux habitant ou ayant habité l’espace américain ou européen. D’autre part, il pourrait être aussi pertinent de questionner le rôle que les émotions jouent dans les processus de construction d’une mémoire collective, notamment quand elles contribuent à définir et façonner une certaine vision et représentation collective du passé à partir du présent. Et pour finir, il conviendrait d’esquisser des pistes de réflexion sur la façon dont les affects ont une incidence sur
les différents champs de production culturelle (littérature, art, musique, sport, etc.) ainsi que sur les dynamiques autour de la fabrication de patrimoine (matériel ou immatériel) ; à cet égard, la façon dont les pratiques culturelles permettent de créer une certaine forme de cohésion et deviennent support des identités dans les sociétés américaines et européennes constituerait une voie d’approche éclairante.

3. Les émotions comme leviers d’action

La troisième thématique proposée est celle des émotions comme leviers d’action. L’orientation de cet axe nous conduira à appréhender les liens entre les émotions et les luttes collectives dans les territoires européens et américains. Comment passe-t-on d’un sentiment collectif à une action collective des deux côtés de l’Atlantique ? Comment les émotions liées à des idées ou des valeurs ont-elles pu circuler entre les deux continents ? Quel rôle ces émotions collectives ont-elles joué dans les conflits armés mais aussi dans les manifestations, luttes et revendications sociales de ces territoires ? Quelles sont les émotions qui ont davantage porté à l’action dans chacun des deux continents ? Nous pourrons par exemple étudier comment certains « climats » ou « atmosphères » émotionnels (de Rivera, 1992) ont pu constituer le socle de manifestations collectives et ont pu naviguer entre les deux continents. Sera également à prendre en considération le rôle des émotions dans les pratiques culturelles et sportives de toutes sortes afin de cerner comment la culture agit, non seulement comme un espace de relation et de cohésion sociales, mais aussi comme un levier de l’action collective.

Bibliographie citée

Albrecht, Glenn. Les émotions de la Terre : Des nouveaux mots pour un nouveau monde. Paris : Ed. Les liens qui libèrent, 2020.
Appadurai, Arjun, Françoise Bouillot, Hélène Frappat et Marc Abélès. Après le colonialisme : les conséquences culturelles de la globalisation. Petite bibliothèque Payot 560. Paris : Payot, 2005.
Bernabéu Albert, Salvador et Frédérique Langue. Fronteras y sensibilidades en las Américas. (Colección Actas). Aranjuez : Doce Calles, 2011.
Corbin, Alain, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello. Histoire des émotions: De la fin du XIXe siècle à nos jours. Vol. 3. Paris : Le Seuil, 2017.
Deluermoz, Quentin, Emmanuel Fureix, Hervé Mazurel et M’hamed Oualdi. « Écrire l’histoire des émotions : de l’objet à la catégorie d’analyse ». Revue d’histoire du XIXe siècle. Société d’histoire de la révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle [en ligne], no 47 (31 décembre 2013). https://doi.org/10.4000/rh19.4573
De Rivera, Joseph. “Emotional climate: social structure and emotional dynamics”. International Review of Studies on Emotion,no 2, 1992 : 197-218.
Dufoix, Stéphane. « Nations extra-territoriales et nations ultra-étatiques : de nouvelles formes historiques de la nation ». Controverses, no 3, 2006 : 115-34.
Illouz, Eva. Les sentiments du capitalisme. Paris : Seuil-Éditions Sciences Humaines, 2006.
Kaufmann, Laurence et Louis Queré (éd.). Les émotions collectives: En quête d’un « objet » impossible (sous la direction de). Paris : Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2020.

Modalités et calendrier :

Les propositions de communication pourront être rédigées en français ou en anglais, espagnol et portugais et devront contenir les informations suivantes :

  • Nom, prénom et adresse électronique
  • Université et/ou laboratoire de rattachement
  • Courte notice bio-bibliographique
  • Titre envisagé de la communication
  • Résumé de 300-500 mots précisant le contenu du projet de communication.

Les propositions, ainsi que d’éventuelles questions, sont à envoyer au comité d’organisation à l’adresse suivante : edysea.brest24@gmail.com
La date limite impérative de soumission des propositions de communication est fixée au 1er avril 2024. Vous recevrez une réponse par le comité organisateur pour le 30 avril.

Appel à communications
Date limite d'envoi des communications : 1er avril 2024
Avec le concours de l'IdA

L’Amérique sensible. Émotions et interactions sociales dans l’espace américain (XIX-XXIᵉ siècles)

2023-2024

Réseau thématique du pôle Ouest de l'Institut des Amériques

Date limite d'envoi des communications : 1er avril 2024
Université de Bretagne Occidentale
Le 30 novembre 2023
Organisateurs