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Le 21 février 2022 (Kab’laju Toj) s’est tenue en ligne la table-ronde « Investigación social y pueblos originarios. Primer encuentro : investigadores locales de Guatemala y Costa Rica », réunissant 3 chercheur·es autochtones du Guatemala et du Costa Rica : Ramón Cun Coy, Marta Choc Calel et Alí García Segura. Elle a été co-organisée par Denia Román Solano et Léa Bernard, à l’initiative de Ramón Cun Coy, avec les soutiens de la Faculté des sciences sociales de l’UCR, du Centro de Estudios Mexicanos y Centramericanos, de l’Articulación O Istmo et de la Red Tz’ikin.

 

« Investigación social y pueblos originarios » est le nom choisi pour désigner une série de tables-rondes réunissant des chercheur·es autochtones d’Amérique Centrale désireux·ses de partager leurs travaux au sein d’une sphère académique universitaire qui ne leur fait pas toujours de place. L’expression « chercheur·es autochtones » désigne ici toute personne, universitaire ou non, proposant une réflexion sur la vie du groupe autochtone auquel elle se reconnaît appartenir – ou de tout autre groupe social. Cette définition, volontairement très large, permet d’envisager un large éventail d’objets et de pratiques de la recherche, et d’interroger les multiples manières dont les sciences sociales peuvent être appréhendées, construites et mobilisées par les personnes du groupe social concerné elles-mêmes. En plus de participer à la construction de ponts entre chercheur·es universitaires et non universitaires, ces rencontres invitent à interroger la construction des sciences sociales en dehors des sphères strictement académiques.

Après une riche introduction d’Isabel Avendaño Flores (doyenne de la Facultés des sciences sociales et référente locale de l’Institut des Amériques), Ramón Cun Coy (enseignant-chercheur en ethnohistoire et sur les langues poqom et q’eqchi’, Asociación Ah Poqom-Tukurub’) a exposé : « Los Tukurub’ en la actualidad (linaje-familia) ». Lui-même locuteur des langues mayas q’eqchi’ et poqom, qu’il mobilise lors de son intervention, il enquête sur l’histoire de l’actuelle municipalité de Tucuru (vallée du Polochic, Alta Verapaz, Guatemala), dont il est originaire, notamment des familles poqom et de sa propre famille. La première partie de son intervention s’est concentrée sur une histoire générale de la municipalité, à partir de l’analyse de sources écrites hébergées par l’Archivo General de Centro América. Puis, Ramón s’est focalisé sur l’histoire de sa famille. La mise au jour des transformations qu’a subi son nom de famille au fil des années et des recensements de population  lui a permis d’identifier dans les archives les ascendants et les alliances qui conforment son lignage depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours. À travers ses enquêtes, il ne s’agit pas uniquement pour Ramón de documenter l’histoire de sa région et de son peuple, mais également de renouer avec ses propres ancêtres et sa propre famille.

Marta Choc Calel a poursuivi avec sa présentation : « El audiovisual contado desde las y los realizadores indígenas ». Marta est réalisatrice audiovisuelle et communicatrice communautaire maya k’iche’ et q’eqchi’, membre de la Red Tz'ikin (réalisateurs et réalisatrices indépendant·es de Guatemala) et originaire de la communauté Primavera del Ixcán (Quiché, Guatemala), une Comunidad de Población en Resistencia-CPR fondée durant la guerre par des personnes contraintes de trouver refuge dans la forêt afin d’échapper aux massacres perpétués par l’armée guatémaltèque. Durant la guerre, beaucoup de familles ont été déchirées, nombre de savoirs ancestraux perdus. Il est aujourd’hui fondamental pour les communautés de connaître, s’approprier et raconter leur histoire à travers leur propre langage, c’est-à-dire non pas à travers les grands médias dominants ni les récits de personnes extérieures, mais à travers les hommes, les femmes, les jeunes de la communauté qui, en enquêtant sur leur propre communauté, apprennent aussi à la connaître. C’est ce que facilite la Red Tz’ikin grâce aux outils de l’audiovisuel et de l’art en général.

Alí Garcia Segura a poursuivi la rencontre avec sa présentation : « Lengua bribri como identidad. ¿Qué es hablar bribri? ». Alí est Bribri, du clan Së́bliwak, Alta Talamanca (Costa Rica) et chercheur sur les langues autochtones (Departamento de Lingüísticas, Escuela de Filología Lingüística y Literatura, UCR). La société bribri est matrilinéaire et clanique : chaque clan dispose d’un nom, d’une histoire et de règles  propres et à chaque individu sont attribuées des responsabilités particulières. La responsabilité d’Ali ne se situe pas au sein de la communauté mais en dehors : il doit en sortir afin de la raconter au monde extérieur avec le regard de quelqu’un de l’intérieur. Ses recherches visent à documenter la langue, la culture et les savoirs bribri depuis sa perspective en tant que Bribri. En plus d’être accessibles en ligne à travers le « Centro virtal de recursos para el estudio y la promoción de la lengua bribri », les matériaux produits collectivement par ses enquêtes sont distribués dans les centres éducatifs afin que la langue et la culture bribri soient valorisées et enseignées aux jeunes. Selon Alí, la langue constitue pour les Bribris à la fois un moyen de communication et une identité : enquêter sur la langue, c’est enquêter sur l’identité. De fait, pour comprendre le monde tel qu’une communauté le comprend, il est nécessaire de parler sa langue, a insisté Alí : non pas traduire ses propres concepts étrangers, mais apprendre à s’exprimer, communiquer et penser à travers ce langage.

S’en est suivi un espace de discussions entre les interventant·es et le public modéré par Denia. Enthousiasmé·es par cette première rencontre, les participant·s ont conclu par l’envie de poursuivre la dynamique amorcée en créant de nouveaux espaces de rencontres entre chercheur·es autochtones d’Abya Yala. Une seconde rencontre est en cours d’organisation par Ramón Cun Coy, Denia Román Solano et Léa Bernard. L’enregistrement est disponible sur la chaîne youtube de la Faculté des sciences sociales de l’UCR.

Encontro
21 février 2022
Com o apoio do IdA
Online
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Investigación social y pueblos originarios. Primer encuentro : investigadores locales de Guatemala y Costa Rica

21 février 2022

Dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle, et Abya Yala étant un continent aux multiples langues maternelles, cet événement est organisé par une équipe multidisciplinaire composée de personnes qui se reconnaissent comme appartenant à différents groupes indigènes. Elles prennent la parole pour communiquer et rendre visible leur propre histoire et culture, depuis une perspective locale et avec leurs propres méthodes.

Organisateurs