Colloque organisé par la Société des Amis de Raymond Aron.
Les élections américaines de 2024 et l’évolution du système international, à la fois son cadre normatif et sa structure matérielle, pourraient conduire à une redéfinition sans doute profonde du rôle des États-Unis dans le monde. Plus protectionniste, plus unilatéraliste et sans doute plus isolationniste, la nouvelle administration Trump pourrait redistribuer les cartes des engagements américains, avec une moindre présence en Europe et une stratégie polarisée par la Chine. Pour les Européens, ce changement n’est pas nouveau —la place des États-Unis en Europe est débattue depuis la fin de la guerre froide—, mais il s’inscrit dans un environnement particulièrement dégradé : sur le plan extérieur avec la menace russe, doublée de défis économiques accrus, et sur le plan intérieur, avec la montée des nationalismes, les difficultés franco-allemandes et les défis de la responsabilité stratégique européenne. Enfin, les Etats-Unis connaissant des évol utions politiques internes majeures, avec un « réalignement électoral » massif observé à l’occasion de la seconde élection de Donald Trump, autour des questions économiques (le protectionnisme) ou culturelles (résistance à l’identity politics du Parti Démocrate). La capacité des institutions libérales à intégrer ce bouleversement politique pose question et donne une nouvelle actualité à la réflexion de Raymond Aron sur les fragiles équilibres de la démocratie libérale.
En effet, les études sur Raymond Aron mettent souvent en avant son lien avec l’Allemagne, où il a vécu dans les années trente en étant le témoin du nazisme, et du fait que les grands auteurs tels Clausewitz, Marx et Weber, ont accompagné toute sa réflexion. Mais les États-Unis sont probablement le second grand pays à avoir compté dans la vie de Raymond Aron, en particulier à partir de 1945. Il leur a consacré un livre d’intervention, La République Impériale paru en 1973. Un chapitre entier des Mémoires porte sur l’action de Henry Kissinger comme Secrétaire d’État, notamment sur le Vietnam et la Guerre du Kippour (chapitre XXIII – « Henry Kissinger et la fin de l’hégémonie américaine »). Raymond Aron avait souligné le rôle à la fois prépondérant mais fragile de la « République impériale ». Il avait mis en lumière le contraste entre responsabilités externes et soubresauts internes, un décalage qui aujourd’hui prend une nouvelle dimension .
Le propos du colloque Raymond Aron 2025 vise à questionner la pertinence de la perspective aronienne pour analyser et comprendre les évolutions des États-Unis, tant sur le plan interne qu’externe. La réflexion sera consacrée à l’examen stratégique, politique et moral des États-Unis d’Amérique à l’aune de la perspective de Raymond Aron. Au-delà de l’élection présidentielle, deux axes pourront structurer la réflexion :
- À l’intérieur, analyser les nouveaux équilibres politiques de l’« État national » américain, la présidentialisation accrue de son régime politique, l’état de ses institutions, et les changements sociaux-économiques en cours, de manière à brosser le portrait de la démocratie américaine.
- À l’extérieur, examiner le rôle des États-Unis dans le monde, sa conduite diplomatique, sa politique étrangère et ses défis stratégiques. Une attention particulière sera accordée à l’avenir de la garantie de sécurité américaine en Europe ainsi qu’à la redéfinition des relations transatlantiques.
L'appel à communications complet :
Date limite de soumission des propositions de communication : 31 janvier 2025
- Avis d’acceptation : 30 février 2025
Cynthia Salloum (NATO Defence College)
Maxence Brischoux (Centre Thucydide, Université Paris-Panthéon-Assas)
Jean-Vincent Holeindre (Centre Thucydide, Université Paris-Panthéon-Assas)
Nicolas Baverez, Elisabeth Dutrartre-Michaut, Jean-Marie Guéhenno, Jean-Yves Haine, Pierre Manent, Pauline Schnapper (Sorbonne Nouvelle), Perrine Simon-Nahum (CNRS), Maud Quessard (IRSEM).
Salle Raymond Aron, Sciences Po Paris