La journée d’étude s’est penchée sur les visions qu’ont les trans-colons et trans- migrants de leur pays d’origine – le « là-bas » du triptyque « ici, là-bas, ailleurs » –, que ces représentations soient romantiques, nostalgiques, idéalisées ou méprisantes, pessimistes, négatives.
En effet, de nombreux trans-migrants ont conservé, ou plus exactement ont (re)formulé, des identités sui generis en maintenant leur héritage socio-culturel et des liens transnationaux importants. Leur « pays » représente alors un lieu d’ancrage. Car, un groupe ethno-national se définit, entre autres, par le sentiment de ses membres de partager une origine commune, qu’elle soit réelle ou imaginaire (M. Weber, Ethnic Groups, 1922 et B. Anderson, Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, 1983). Nous avons cherché donc à comprendre le processus par lequel les individus peuvent construire ou ressentent et expriment ce sentiment transnational en privilégiant l’étude des articulations entre le « ici » et le « là-bas » du triptyque « ici, là-bas, ailleurs » qui donne son nom au projet ILA2.
Nous avons observé comment « le pays » représente véritablement un espace d’ancrage, de repères, de référents normatifs sur lesquels l’identité des trans-migrants repose. Ce qui n’empêche pas, en même temps, que l’Amérique devienne un nouveau territoire d’identification. Non sans ambivalence. Les réflexions présentées renvoient aux analyses de A. Sayad (La Double absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, 1999) qui a montré les difficultés rencontrées dans les stratégies d’adaptation des migrants et leurs sentiments ambigus face à leur mobilité, leur installation dans un nouvel environnement et leur intégration dans le pays d’accueil. Partagés entre deux pays, celui d’arrivée (« ici ») et celui d’origine (« là-bas »), à la fois absents et présents dans les deux pays, certains trans-migrants gardent des liens étroits, intimes avec leur pays d’origine, car c’est là-bas que se trouvent leurs racines, que leur famille peut être restée. Ils en ont alors une image nostalgique, idéalisée même quelquefois. À l’inverse, d’autres rejettent « le pays » et sont amenés à le considérer comme un espace moins moderne, moins développé. Mais ils lui restent néanmoins, en dernier recours, attachés affectivement.
Journée d'étude
Le 3 décembre 2021
With the support of IdA
Université Bretagne Sud
RT Pôle Nord Est : Le transationalisme par ses acteurs
2021-2023
Le pôle Nord-est de l'IdA finance des Réseaux thématiques (RT) visant à favoriser des initiatives de recherche permettant de mieux dialoguer entre disciplines et entre collègues spécialistes des différentes aires géographiques des Amériques. Structurés autour d'un thème abordé dans une perspective trans-Amériques et pluridisciplinaire, ils sont portés par au moins 2 collègues rattachés à au moins 2 établissements différents du pôle et spécialistes de l'Amérique du nord et de l'Amérique latine.
Le projet ILA2 analyse l’impact du transnationalisme dans l’aire des Amériques et dans les pays de départ ou d’arrivée des mouvements transnationaux, en expertisant l’expérience individuelle des acteurs du transnationalisme. Il s’agit de porter la focale sur la dimension subjective, le regard des colons ou migrants sur eux-mêmes et sur leur expérience. ILA2 est pensé comme le prolongement de la réflexion autour des notions de Life course et de Marginal Man, abordées dans le cadre d’un projet ILA COMUE UPL (2019-2021), pour expertiser la vision personnelle et rétrospective, la dimension éminemment subjective de l’« expérience de vie » transnationale.
ILA2 se penche sur les stratégies, sur les efforts et/ou réticences pour intégrer la société d’accueil, sur les différentes émotions qui ont commencé à être abordées par l’étude des sentiments dans nos premiers travaux traitant du trans-migrant comme « homme marginal » (ILA COMUE UPL). Fondé sur des autobiographies, des mémoires, des lettres et toutes les sources relevant des égo-documents, outre les documents d’archives (archives des compagnies maritimes, archives municipales, etc.), ILA 2 cherche à mettre en exergue le vécu des individus en situation de mobilité transnationale, à étudier leurs émotions, leurs espoirs et déceptions. Le projet s’inscrit donc également, de ce point de vue, dans l’histoire des sentiments.
Le projet est porté par trois enseignants-chercheurs des disciplines diverses des sections CNU 11 et 14 et affiliés à des trois institutions différentes (Université Paris 8, Université Paris Nanterre et UBS-Université Bretagne Sud), à savoir:
- Marie-Christine Michaud
- Bertrand Van Ruymbeke
- Emmanuelle Sinardet
Contact: Emmanuelle Sinardet: esinardet@parisnanterre.fr
Faculté Lettres, Langues, Sciences Humaines & sociales
Université Paris Nanterre - Bâtiment Max Weber, salle des séminaires